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Procédures générales

Loi n° 2018-46 du 1er août 2018, relative à la déclaration de patrimoine et d’intérêts, et à la lutte contre l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts

 

Au nom du peuple,

L’Assemblée des représentants du peuple ayant adopté,

Le Président de la République promulgue la loi dont la teneur suit :

Chapitre premier – Dispositions générales

Article premier – La présente loi vise à renforcer la transparence et à consacrer les principes de l’intégrité, de l’impartialité, de la redevabilité, de la lutte contre l’enrichissement illicite et de la protection des deniers publics.

Art. 2 – La présente loi fixe les conditions et les procédures de déclaration du patrimoine et d’intérêts. Elle détermine également les modalités de prévention des situations de conflit d’intérêts et détermine les mécanismes de lutte contre l’enrichissement illicite.

Art. 3 – Sont régies par la présente loi les personnes mentionnées à son article 5 et toute personne physique, qu’elle soit désignée ou élue à titre permanent ou temporaire, à laquelle il est confié des prérogatives de puissance publique ou celle exerçant pour le compte de l’Etat, d’une collectivité locale ou d’une instance, d’une entreprise ou d’un établissement public, à titre onéreux ou gratuit, ainsi que toute personne ayant la qualité d’officier public ou désignée par la justice pour accomplir une mission judiciaire.

Les associations, les partis politiques et les personnes morales liées à l’Etat par contrat sous quelque forme que ce soit, sont également soumis aux poursuites et aux sanctions relatives à l’infraction de l’enrichissement illicite prévue par la présente loi, en cas où ils auraient tiré profit de cette infraction.

Art. 4 – Au sens de la présente loi on entend par:

  • Instance : l’Instance nationale de la bonne gouvernance et de la lutte contre la corruption prévue par l’article 130 de la Constitution.
  • Conflit d’intérêts : la situation dans laquelle la personne régie par la présente loi, possède à titre privé des intérêts directs ou indirects qu’elle se procure pour soi-même ou pour autrui et qui influent ou sont susceptibles d’influer sur l’exécution objective, intègre et impartiale de ses obligations professionnelles.
  • Cadeau : tout bien, mobilier ou immobilier, ou tout autre avantage de quelque nature que ce soit, que la personne régie par la présente loi obtient, dans le cadre de l’exercice de ses fonctions à titre gratuit ou contre remise d’une somme inférieure à sa valeur réelle.
  • Déclaration : déclaration de patrimoine et d’intérêts.
  • Agent public : le fonctionnaire public au sens de l’article 82 du Code pénal.
  • Enrichissement illicite : toute augmentation substantielle du patrimoine de la personne régie par les dispositions de la présente loi, qu’elle se procure pour soi-même ou pour toute personne avec laquelle elle entretient des liens, ou une augmentation significative dans ses dépenses, qui sont disproportionnées par rapport à ses revenus et qu’elle ne peut justifier la légitimité de son origine.

Chapitre II – De la prévention de l’enrichissement illicite et les conflits d’intérêts

Section première – De la déclaration de patrimoine et d’intérêts

Art. 5 – Les personnes énumérées ci-après doivent déclarer leur patrimoine et leurs intérêts, dans un délai maximal de soixante jours, à compter de la date de proclamation des résultats définitifs des élections, de la date de désignation ou de la date de prise de fonctions selon le cas :

  1. Le Président de la République, le directeur de son cabinet et ses conseillers,
  2. Le Chef du Gouvernement et ses membres, leurs chefs de cabinet et leurs conseillers,
  3. Le Président de l’Assemblée des représentants du peuple et ses membres, le chef de son cabinet et ses conseillers,
  4. Les présidents des instances constitutionnelles indépendantes et leurs membres,
  5. Le Président du Conseil supérieur de la magistrature et ses membres,
  6. Les présidents des collectivités locales,
  7. Les membres des conseils de collectivités locales,
  8. Le Président de la Cour constitutionnelle et ses membres,
  9. Les magistrats,
  10. Toute personne ayant rang et avantages de ministre ou de secrétaire d’Etat,
  11. Les agents publics occupant des emplois supérieurs conformément aux dispositions de l’article 78 de la Constitution,
  12. Les agents publics occupant des emplois civils supérieurs conformément aux dispositions de l’article 92 de la Constitution,
  13. Le Gouverneur de la Banque centrale de Tunisie, le vice-gouverneur et les membres de son conseil d’administration ainsi que son secrétaire général,
  14. Les directeurs généraux des banques et des établissements financiers dans lesquels l’Etat détient une participation au capital, ainsi que les présidents et les membres de leurs conseils d’administration,
  15. Les directeurs des structures administratives des instances constitutionnelles indépendantes,
  16. Les présidents et les membres des conseils des instances de régulation,
  17. Les présidents des universités de l’enseignement supérieur, les doyens de facultés, les directeurs des établissements d’enseignement supérieur et les chefs de laboratoires et d’unités de recherches au sein des établissements énoncés,
  18. Le chef du contentieux de l’Etat et les conseillers-rapporteurs du contentieux de l’Etat,
  19. Le conservateur de la propriété foncière et les directeurs régionaux de la propriété foncière,
  20. Les premiers délégués, les délégués et les omdas,
  21. Les secrétaires généraux des municipalités, des gouvernorats et des directeurs exécutifs des régions et des districts,
  22. Tout agent public chargé d’une mission de contrôle au sein des corps de contrôle et des corps d’inspection administrative et technique ou sectorielle relevant des ministères,
  23. Les directeurs généraux adjoints et les directeurs centraux au sein des entreprises et établissements publics et les fonctions équivalentes en terme de conditions de nomination et des avantages,
  24. Les membres des commissions d’évaluation, d’attribution et de contrôle des contrats relatifs aux marchés publics, des contrats de concessions et des contrats de partenariat entre le secteur public et le secteur privé, ainsi que les membres des commissions d’octroi des autorisations administratives et les autorisations d’exercice d’activités quelle que soit leur nature ou leur secteur,
  25. Les agents des forces de sûreté intérieure ayant la qualité d’officiers de la police judiciaire,
  26. Les présidents des organismes sportifs,
  27. Les agents du contrôle fiscal et du recouvrement, les receveurs municipaux et les présidents des bureaux de poste,
  28. 28-Les agents des douanes en exercice, dont le grade n’est pas inférieur à celui d’inspecteur adjoint ou lieutenant des douanes, ou ceux occupant le poste de chef de bureau, chef de brigade ou de receveur,
  29. Les greffiers des juridictions,
  30. Les agents assermentés, chargés de missions d’inspection et de contrôle, ou ceux qui sont habilités par la loi à exercer les prérogatives de la police judicaire,
  31. Tout agent de l’Etat, des collectivités locales, ou d’un établissement public à caractère administratif exerçant les missions d’ordonnateur, d’ordonnateur adjoint, de comptable public ou de régisseur de recettes ou de dépenses,
  32. Les membres des commissions régionales pour la liquidation des Habous privés et mixtes et les commissions de gestion des terres domaniales,
  33. Les dirigeants de partis politiques et d’associations,
  34. Les gérants des entreprises privées liées à l’Etat par des contrats pour la gestion d’un service public rémunéré par l’Etat,
  35. Les propriétaires des institutions médiatiques, les journalistes et toute personne exerçant une activité médiatique ou journalistique,
  36. Les présidents et les membres des bureaux de syndicats professionnels centraux, régionaux ou sectoriels,
  37. Les secrétaires généraux des syndicats professionnels et des organisations nationales.

De manière générale, toute personne dont les lois et les règlements régissant l’exercice de son activité, prévoient le devoir de déclaration du patrimoine et d’intérêts.

Art. 6 – La déclaration comporte obligatoirement deux parties. Une première partie concerne la déclaration de patrimoine des personnes énumérées à l’article 5 de la présente loi, dans et hors du territoire de la République tunisienne, ainsi que leurs conjoints et leurs enfants mineurs. Une deuxième partie concerne la déclaration d’intérêts.

Le modèle de déclaration et le seuil minimal du patrimoine, des prêts et des cadeaux devant être déclarés, sont déterminés par décret gouvernemental après avis de l’Instance.

Art. 7 – Si les deux époux sont tenus de déposer la déclaration, chacun d’entre eux doit déposer sa déclaration séparément.

Si seulement l’un des époux est tenu de déposer la déclaration, les époux doivent conjointement signer la déclaration.

Art. 8 – La déclaration est déposée directement auprès de l’Instance par voie électronique, conformément aux modalités fixées par l’Instance, et le cas échéant, la déclaration est déposée en quatre exemplaires dont l’un est restitué au déclarant à titre de récépissé.

L’Instance adresse un exemplaire de la déclaration à la Cour des comptes.

L’instance tient une base de données électronique propre aux personnes soumises au devoir de déclaration de patrimoine et d’intérêts. L’Instance conserve les déclarations pour une durée de dix ans après la cessation de fonctions et d’occupation de postes de responsabilité, nécessitant la déclaration.

Les membres du Conseil de l’Instance, les agents des départements de la lutte contre la corruption et de la gouvernance et le directeur exécutif de l’Instance, déposent leurs déclarations conformément aux modalités et procédures déterminées par la présente loi à la Cour des comptes, qui exerce les mêmes prérogatives dévolues à l’Instance en matière d’investigation concernant les déclarations précitées.

Sous réserve de la législation relative à la protection des données personnelles, l’Instance publie le contenu des déclarations sur son site électronique en ce qui concerne les personnes citées aux numéros 1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de l’article 5, et ce, conformément au modèle approuvé par décret gouvernemental sur proposition de l’Instance et sur avis conforme de l’Instance de la protection des données personnelles.

Art. 9 – Les membres du Gouvernement, les membres de l’Assemblée des représentants du peuple et les membres des collectivités locales élues sont tenus d’adresser une copie de l’exemplaire de leur déclaration d’intérêts au Chef du Gouvernement, au Président de l’Assemblée des représentants du peuple et au Président de la collectivité locale selon le cas, et ce, dans un délai de quinze jours à compter de la date de dépôt auprès de l’Instance de la première déclaration de leur patrimoine et de leurs intérêts ou de son renouvellement, ou de la déclaration de modification substantielle au sens de l’article 11 de la présente loi.

Art. 10 –  Toute personne soumise à l’obligation de déclaration doit déposer une nouvelle déclaration tous les trois ans en cas de continuation d’exercice de fonctions nécessitant la déclaration, ainsi lors de la cessation pour quelconque motif de ses fonctions nécessitant la déclaration, et ce, dans un délai ne dépassant pas les soixante jours à compter de la date d’expiration de la durée des trois ans ou de la date de cessation de fonctions nécessitant la déclaration.

Art. 11 – Nonobstant les dispositions de l’article 10 de la présente loi, la personne soumise à déclaration doit informer l’Instance de toute modification substantielle de la situation initiale déclarée, dans un délai de trente jours à compter de la date de survenue de la modification.

L’Instance détermine les modalités d’application des dispositions du présent article.

Art. 12 – Les structures publiques doivent assurer le suivi de l’accomplissement, par les agents placés sous leur autorité, de l’obligation de déclaration, en coordination avec l’Instance. Toute structure publique, doit, avant l’expiration des délais mentionnés à l’article 5 de la présente loi, remettre à l’Instance une liste nominative des agents placés sous son autorité soumis à l’obligation de déclaration et de son actualisation, à chaque fois que nécessaire.

L’agent public soumis à l’obligation de déclaration doit informer la structure dont il relève de l’accomplissement de la déclaration et lui remettre une copie du récépissé de dépôt.

L’Instance accorde aux agents n’ayant pas acquitté l’obligation de déclaration, un délai supplémentaire qui n’excédant pas les quinze jours, à compter de la date d’expiration des délais prévus à l’article 5 de la présente loi, pour régulariser leur situation.

Art. 13 –  L’Instance fournit aux chefs de structures et des instances publiques une liste nominative des personnes placées sous son autorité qui ont déclaré leurs intérêts et leur patrimoine, ainsi qu’une liste nominative des personnes qui n’ont pas déposé leur déclaration ou qui ne l’ont pas renouvelée, y compris les chefs de structures et les présidents des instances publiques.

Art. 14 –  A l’expiration des délais prévus à l’article 12 de la présente loi, l’Instance met en demeure, par tout moyen laissant une trace écrite, les personnes soumises à l’obligation de déclaration qui n’ont pas déposé leurs déclarations ou qui ont déposé des déclarations incomplètes ou non-conformes au modèle prévu par la présente loi, et leur accorde un délai n’excédant pas les trente jours à compter de la date de l’avis pour régulariser leur situation.

En cas de dépassement du délai prévu à l’alinéa premier du présent article sans déposer la déclaration ou sans la rectifier, la personne intéressée est réputée s’être abstenue de déclarer.

L’Instance publie, tous les six mois, sur son site électronique, une liste contenant ceux qui ont déposés leur déclaration ainsi que ceux qui se sont abstenus.

Art. 15 – Le département de lutte contre la corruption au sein de l’Instance procède obligatoirement aux investigations et aux vérifications de l’exactitude des déclarations de patrimoine et d’intérêts des personnes énumérées aux numéros de 1 à 12 de l’article 5 de la présente loi. Les investigations et les vérifications des déclarations des autres personnes mentionnées à l’article 5 de la présente loi, conformément à des échantillons déterminés selon son programme d’action annuel.

Art. 16 – L’Instance traite les déclarations qui sont déposées auprès d’elle, conformément à la législation relative à la protection des données à caractère personnel. Les personnes légalement habilitées à consulter les déclarations déposées auprès de l’Instance doivent garder le secret des données à caractère personnel contenues dans ces déclarations, même à l’issu du traitement ou après la cessation de leurs fonctions.

Les procédures prévues par la présente loi, les contestations relatives au cas d’enrichissement illicite et les investigations et vérifications à l’égard desquelles sont menées, sont réputées des secrets professionnels et doivent être gardées secret par toute personne les ayant consultées.

Section 2 – De la prévention des conflits d’intérêts

 Art. 17 –  Il est interdit aux personnes énumérées aux numéros 1, 2, 4, 6 et 8 de l’article 5 de la présente loi de cumuler leurs fonctions avec les fonctions suivantes :

  • toute autre fonction publique,
  • la qualité de membre dans des organismes publics ou entreprises publiques ou des sociétés à participation publique ou toute instance quelle que soit leur dénomination, dans lesquelles l’Etat ou les collectivités locales détiennent directement ou indirectement une participation en capital,
  • une profession libérale ou une activité industrielle ou commerciale et toute activité privée lucrative,
  • la qualité de membre dans les organes dirigeants et délibérants des entreprises privées,
  • la qualité de membre des conseils des collectivités locales élus, hormis les personnes énumérées au numéro 6 de l’article 5 de la présente loi,
  • une fonction auprès d’un Etat tiers,
  • -une fonction auprès d’organisations internationales gouvernementales ou non gouvernementales.

Art. 18 – En cas où les personnes énumérées aux numéros 1, 2, 4, 6 et 8 de l’article 5 de la présente loi, détiennent des actions ou des parts sociales, ou administrent des sociétés privées dans lesquelles elles détiennent en totalité ou en partie le capital, elles doivent charger une tierce personne de les gérer au plus tard deux mois à compter de la date de leur nomination ou de leur élection selon le cas, et jusqu’à ce que la cause qui l’a justifié cesse d’exister.

Le transfert de gestion mentionnée à l’alinéa premier du présent article est soumis au contrôle de l’Instance qui est informée des mesures prises en application des dispositions du présent article.

Art. 19 – Les personnes énumérées aux numéros 1 et 2 de l’article 5 de la présente loi doivent, après la cessation de leurs fonctions pour un motif quelconque, et durant 5 ans à compter de cette date, adresser une notification à l’Instance avant de contribuer à des investissements dans des domaines qui étaient sous leur supervision directe ou de donner des consultations au profit des entreprises opérantes dans des domaines qui étaient sous leur supervision directe.

Il est interdit aux personnes énumérées au premier alinéa du présent article de donner des consultations qui vont à l’encontre des intérêts de l’Etat durant 5 ans à compter de la date de la cessation de leurs fonctions.

Art. 20 – Sous réserve des dispositions de l’article 18 de la présente loi, il est interdit aux personnes énumérées aux numéros 1, 2, 3, 6 et 7 de l’article 5 de la présente loi, de conclure durant l’exercice de leurs fonctions, des contrats à des fins commerciales avec l’Etat, les collectivités locales, les établissements publics ou les entreprises publiques.

Il est interdit aux autres personnes énumérées à l’article 5 de la présente loi, de conclure, durant l’exercice de leurs fonctions, des contrats à des fins commerciales avec les structures dont elles relèvent.

Art. 21 – En cas de recours au mécanisme d’appel à candidatures pour la nomination aux emplois supérieurs mentionnés aux numéros 11 et 12 de l’article 5 de la présente loi, les organismes publics doivent exiger le dépôt d’une déclaration d’intérêts parmi les documents exigés pour l’évaluation de la demande de candidature.

Art. 22 – Si l’une des personnes énumérées aux numéros 2, 6, 10, 11 et 12 de l’article 5 de la présente loi ou son conjoint est placée sous l’autorité hiérarchique directe de l’autre conjoint, la structure publique intéressée doit prendre les mesures nécessaires pour mettre fin à cette situation, tout en préservant les droits acquis du conjoint.

Art. 23 – Il est interdit aux personnes régies par la présente loi, ayant accompli dans le cadre de leurs fonctions, des missions de contrôle sur les organismes, les établissements publics et les entreprises publiques, de travailler dans ceux-ci durant les cinq ans suivant la date de la cessation de cette mission de contrôle.

Il leur est également interdit de participer, à titre onéreux, dans les travaux et les commissions des établissements sur lesquels ils exercent leurs missions de contrôle.

Art.  24 –  Il est interdit au président de l’Assemblée des représentants du peuple et à ses membres de participer aux délibérations, à la prise de décision ou au vote, soit en séance plénière de l’Assemblée soit dans les commissions, en ce qui concerne tout sujet dans lequel ils ont un intérêt financier personnel direct.

N’est pas considéré comme un intérêt personnel financier direct, la participation d’un membre dans un sujet relatif à un secteur ou à une catégorie à laquelle il appartient.

Lorsque le membre de l’Assemblée des représentants du peuple estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêt mentionnée au premier alinéa du présent article, il doit en informer le président de l’Assemblé des représentants du peuple et mettre fin à la participation à la prise de décision et au vote.

Lorsque le président de l’Assemblée des représentants du peuple, estime se trouver dans une situation de conflit d’intérêts mentionnée au premier alinéa du présent article, il doit en informer le bureau de l’Assemblée et mettre fin à la participation à la prise de décision et au vote.

Art. 25 – En cas de doute sur l’existence d’une situation de conflit d’intérêts au cours de l’exercice de leurs fonctions, les agents publics doivent en informer leur supérieur hiérarchique direct ou l’autorité de tutelle, selon le cas si elle existe. Ils doivent également s’abstenir de prendre une décision ou de participer à la prise de décision, s’ils estiment qu’en cas de prise de décision ou de participation à la prise de décision ils se trouveraient dans une situation de conflit d’intérêts.

En outre, toute personne peut de sa propre initiative signaler au supérieur hiérarchique direct ou l’autorité de tutelle l’existence d’éléments susceptibles de placer la personne qui relève de leur autorité en situation de conflit d’intérêts, en ce qui concerne des décisions nécessitant le vote. Dans ce cas, la personne intéressée est informée, avant le vote, du contenu du signalement. La législation en vigueur relative à la protection des lanceurs d’alerte est applicable à l’auteur du signalement.

Lorsque l’autorité de tutelle, ou le supérieur hiérarchique, constate que la personne placée sous son autorité se trouve dans une situation de conflit d’intérêts sans qu’elle ne l’a informé, elle doit prendre les mesures nécessaires pour y mettre fin.

Art. 26 Dans le cadre de l’exercice de ses missions de contrôle en matière de prévention des conflits d’intérêts, l’Instance informe, par tout moyen laissant une trace écrite, toute personne dont elle a constaté qu’elle se trouve dans une situation de conflit d’intérêts et lui enjoint de respecter les dispositions de la présente loi dans un délai n’excédant pas un mois. L’Instance peut recommander à l’organisme public dont la personne intéressée relève, de prendre les mesures appropriées pour mettre fin à la situation de conflit d’intérêts.

L’Instance publie sur son site électronique la liste des organismes publics qui n’ont pas pris les mesures nécessaires pour mettre fin aux situations de conflit d’intérêts.

Art. 27 – Les personnes régies par les dispositions de la présente loi, doivent s’abstenir d’accepter des cadeaux pour eux-mêmes ou pour des personnes avec lesquelles elles ont des liens, qui influencent ou qui sont susceptibles d’influencer l’exercice objectif, indépendant et impartial de leurs fonctions.

Art. 28 – Sous réserve des dispositions de l’article 27 de la présente loi, tout agent public ainsi que les personnes énumérées à l’article 5 de la présente loi, peuvent accepter des cadeaux d’une partie publique ou privée, dans les cas suivants :

  1. les cadeaux symboliques dont la valeur estimative ne dépasse pas un seuil déterminé par décret gouvernemental après avis de l’Instance.
  2. les cadeaux présentés au Président de la République, au Chef du Gouvernement et à ses membres, au Président et aux membres de l’Assemblée des représentants du peuple, aux présidents et membres des instances constitutionnelles indépendantes et aux ambassadeurs et consuls généraux lors des cérémonies officielles, conformément aux coutumes en vigueur et aux considérations de courtoisie.

Hormis le cadeau dont la valeur estimative ne dépasse pas le seuil déterminé par le numéro 1 du présent article, les personnes susmentionnées doivent informer l’organisme public dont ils relèvent de tout cadeau qu’elles reçoivent et de la partie qui l’a offert. L’organisme public enregistre le cadeau dans un registre spécial tenu à cet effet.

Art. 29 – Les cadeaux mentionnés au numéro 2 et les cadeaux dont la valeur dépasse le seuil mentionné au numéro 1 de l’article 28 de la présente loi, sont considérés comme propriété privée de l’Etat.

Les modalités d’application des dispositions du présent article sont fixées par décret gouvernemental.

Chapitre III – Des sanctions

Section première – Des sanctions relatives à la divulgation de la déclaration du patrimoine et d’intérêts, à l’abstention de la déposer et aux cas de conflit d’intérêts

Art. 30 – Est punie d’un an d’emprisonnement et d’une amende de cent à mille dinars, quiconque aura sciemment et sans raison valable, par quelque moyen que ce soit, directement ou indirectement, divulgué partiellement ou totalement le contenu des déclarations de manière qui déroge aux dispositions de la présente loi. Ceci ne fait pas obstacle à ce que des sanctions disciplinaires soient infligées, s’il s’agit d’un agent public.

En cas de récidive, la peine d’emprisonnement est d’un an. La tentative est punissable.

Art. 31 – Nonobstant les délais mentionnés à l’article 5 de la présente loi, la déclaration est considérée comme une condition préalable à la prise de fonctions pour les personnes énumérées aux numéros 1,2, 3, 4, 5, 6, 7, 8 et 9 de l’article 5 de la présente loi.

Sont punies d’une amende de mille à dix mille dinars les personnes énumérées aux numéros 33, 34, 35, 36 et 37 de l’article 5 de la présente loi, en cas de non-déclaration ou de non-renouvellement de la déclaration conformément aux conditions et délais fixés par la présente loi.

La non-déclaration du patrimoine et d’intérêts ou le non-renouvellement de la déclaration conformément aux conditions et aux délais fixés par la présente loi, pour les autres personnes énumérées à l’article 5 de la présente loi, entraîne la déduction des deux-tiers du salaire ou de l’indemnité selon le cas, pour chaque mois de retard, et ce, sous réserve des dispositions contraires prévues par des textes particuliers.

La sanction prévue au troisième alinéa du présent article s’applique à toutes les personnes énumérées au premier alinéa du présent article, en cas de non- renouvellement de la déclaration conformément aux dispositions de la présente loi.

Art. 32 – Est punie d’une amende de trois cent dinars pour chaque mois de retard, quiconque se sera abstenu de déclarer son patrimoine et ses intérêts après la cessation de ses fonctions.

Si le retard dure 6 mois, la peine d’emprisonnement encourue est d’un an et l’amende de vingt mille dinars. L’abstention de déclarer est considérée comme présomption d’enrichissement illicite, à l’égard de laquelle l’Instance doit procéder aux investigations et vérifications nécessaires.

Si l’abstenant est un des élus, s’ajoute aux sanctions susmentionnées la sanction de privation de se porter candidat aux emplois publics pendant 5 ans.

Art. 33 – Est punie d’une amende égale à dix fois la valeur du patrimoine dissimulé, quiconque aura sciemment déposé une déclaration erronée en dissimulant la réalité de son patrimoine ou celui de son conjoint ou de ses enfants, ou de ses intérêts. Ceci est considéré comme présomption d’enrichissement illicite, à l’égard de laquelle l’Instance doit procéder aux investigations et vérifications nécessaires.

Art. 34 – Est punie d’un emprisonnement de deux ans et d’une amende de deux mille dinars, quiconque aura enfreint les dispositions des articles 17, 18 et 19 de la présente loi.

Art. 35 – Est punie d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de trois mille dinars, quiconque aura enfreint les dispositions de l’article 23 de la présente loi.

Art. 36 –Toute personne soumise aux dispositions de la présente loi, ayant accepté un cadeau contrairement aux dispositions de la présente loi, est punie d’une amende équivalente à la valeur du cadeau reçu, avec prononcé d’une décision de confiscation du cadeau au profit de l’Etat.

Section 2 – De la poursuite des infractions d’enrichissement illicite et des sanctions connexes

Art. 37 – Est puni d’un emprisonnement de six ans et d’une amende équivalente à la valeur des biens d’origine illicite, quiconque aura commis une infraction d’enrichissement illicite au sens de la présente loi.

Dans le même jugement, le tribunal prononce la confisquant de l’ensemble des biens meubles et immeubles et des avoirs bancaires ou certains parmi ceux-ci appartenant au condamné provenant directement ou indirectement de l’infraction de l’enrichissement illicite, même s’ils ont été transférés à un autre patrimoine financier et que ces fonds soient restés dans leur état initial ou qu’ils aient été transformés en d’autres actifs, sous réserve des droits des tiers de bonne foi.

Le tribunal prononce un jugement privant la personne condamnée d’exercer les emplois publics, du droit de vote et du droit de se porter candidat à des élections, pendant une période de dix ans.

Art. 38 – L’Instance procède aux investigations et vérifications conformément à la loi réglementant ses missions en ce qui concerne les suspicions d’enrichissement illicite qu’elle rencontre à l’occasion du contrôle des déclarations déposées par les personnes régies par la présente loi. L’Instance procède également aux investigations et vérifications en ce qui concerne les suspicions d’enrichissement illicite qui parviennent à sa connaissance.

Si l’Instance constate, dans le cadre de l’exercice de ses missions, l’existence d’une suspicion d’enrichissement illicite, elle transmet le dossier à la juridiction compétente.

Art. 39 – Le ministère public est saisi de l’affaire de l’enrichissement illicite, sur la base d’une transmission de l’Instance ou par tout moyen de mise en mouvement de l’action publique prévue par le Code de procédure pénale.

Art. 40 – Si l’infraction de l’enrichissement illicite concerne l’une des personnes soumises aux dispositions de la présente loi et jouissant d’une immunité, celle-ci est levée conformément à la législation en vigueur.

A défaut, les procédures de poursuites sont suspendues jusqu’à ce que la qualité procurant l’immunité cesse d’exister.

Art. 41 – Au cas où la juridiction compétente dispose de présomptions concernant l’existence de suspicion d’enrichissement illicite, elle convoque le prévenu afin qu’il rapporte la preuve de la licéité de la provenance de son patrimoine ou de ses dépenses, par tout moyen.

Art. 42 – La juridiction saisie de l’infraction d’enrichissement illicite peut ordonner, dans le cadre des investigations, toutes les mesures nécessaires à la conservation des biens sujet à suspicion, pour éviter qu’ils ne soient aliénés ou dilapidés, ou pour qu’ils ne se déprécient pas.

Elle peut ordonner la vente des biens mobiliers susceptibles de dépérir ou de se déprécier et de consigner le montant de la vente à la trésorerie générale de Tunisie, à la disposition de l’affaire avant le prononcé du jugement, conformément aux règlements en vigueur.

Art. 43 – Les délais de prescription des poursuites de l’infraction d’enrichissement illicite commencent à courir à compter de la date de sa découverte.

Art. 44 – L’extinction de l’action pénale résultant du décès au prononcé de la confiscation des biens mal acquis et leurs fruits au profit de l’Etat dans la limite de la part de la succession revenant aux héritiers.

Sous réserve des droits des tiers de bonne foi, le tribunal peut décider l’intervention de toute personne ayant tiré profit de l’infraction d’enrichissement illicite, hormis les personnes énumérées au premier alinéa du présent article et décider la confiscation de ses biens dans la limite du profit tiré.

Art. 45 – Est complice, quiconque aura aidé à la consommation de l’infraction d’enrichissement illicite, ou qui était au courant que les biens dont il dispose provenaient de l’infraction d’enrichissement illicite, et il les a conservés ou recelés en vue d’aider l’auteur de l’infraction. Le complice est puni de la même peine prévue à l’article 37 de la présente loi.

A l’exception de la peine de confiscation des biens mal acquis, le complice sera exempt des peines encourues pour l’infraction d’enrichissement illicite, s’il a pris l’initiative de fournir à l’Instance ou aux autorités judiciaires des renseignements ou des informations, avant qu’elle n’en prennent connaissance, ayant conduit à la découverte de l’infraction d’enrichissement illicite.

Il est puni de la moitié de la peine d’emprisonnement prévue à l’article 37 de la présente loi, si le signalement intervient au cours de l’enquête et des investigations.

Art. 46 – Toute personne morale aura recelé ou conservé des biens provenant d’une infraction d’enrichissement illicite afin d’aider l’auteur de cette infraction, est puni d’une amende égale à la valeur des biens mal acquis objet de l’infraction, et encourt la peine de confiscation prévue au deuxième alinéa de l’article 37 de la présente loi.

La personne morale est également punie d’une des peines complémentaires suivantes :

  • l’interdiction de participer aux marchés publics durant au moins cinq ans,
  • la publication, à sa charge, d’un extrait de la décision prononcée à l’encontre de la personne morale, dans l’un des journaux,
  • sa dissolution et la confiscation totale de ses biens au profit de l’Etat.

Ceci ne fait pas obstacle à l’application de la peine d’emprisonnement prévue à l’article 37 de la présente loi à l’égard des dirigeants des personnes morales si leur responsabilité personnelle est établie.

Chapitre IV – Dispositions finales et transitoires

Art. 47 – Les dispositions de la présente loi ne font pas obstacle à l’application des textes particuliers en vigueur relatifs aux conflits d’intérêts.

Art. 48 – L’Instance nationale de lutte contre la corruption, créée par le décret-loi n°2011-120, conduit les missions confiées à l’Instance prévues par la présente loi, et ce, jusqu’à ce que l’Instance prenne ses fonctions.

Art. 49 – L’Instance et l’Instance nationale de lutte contre la corruption peuvent, jusqu’à ce que l’Instance prenne ses fonctions, accéder aux déclarations de patrimoine déposées auprès du premier président de la Cour des comptes et demander, le cas échéant, des copies.

Art. 50 – Les personnes, exerçant à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, l’une des fonctions ou missions énumérées à l’article 5 de la présente loi et qui sont soumises à l’obligation de déclaration, doivent régulariser leurs situations dans un délai de deux mois, à compter de la date de la publication du décret gouvernemental relatif à la fixation du modèle de formulaire de déclaration et le seuil minimal des biens, des prêts et des cadeaux devant être déclarés.

Les dispositions des articles 12 et 14 de la présente loi sont applicables aux personnes mentionnées au premier alinéa du présent article.

Les décrets gouvernementaux doivent obligatoirement être publiés dans un délai de soixante jours à compter de la date de publication de la présente loi au Journal officiel de la République tunisienne.

Une fois le délai mentionné au premier alinéa du présent article passé, sans avoir déposé la déclaration, les dispositions des deuxièmes et troisièmes alinéas de l’article 31 de la présente loi sont applicables.

Art. 51 – Sont abrogées toutes dispositions antérieures contraires à la présente loi, notamment les dispositions de la loi n°87-17 du 10 avril 1987 relative à la déclaration sur l’honneur des biens des membres du Gouvernement et de certaines catégories d’agents publics.

La présente loi sera publiée au Journal officiel de la République tunisienne et exécutée comme loi de l’Etat.

Tunis, le 1er août 2018.

 

Communiqué : Lancement d'une conception améliorée de la base de données juridiques.

Nous sommes ravis d'annoncer le lancement réussi de notre nouvelle conception de base de données juridiques, dans le cadre de l'engagement continu de DCAF envers nos utilisateurs précieux. Cette mise à jour introduit un ensemble d'améliorations, comprenant une interface rationalisée et conviviale ainsi que des fonctionnalités améliorées, garantissant un accès facile aux informations essentielles.

Nous sommes très fiers de fournir cette amélioration significative et nous réaffirmons notre dévouement à vous offrir un service d'excellence. Nous exprimons notre sincère gratitude pour votre confiance et votre soutien continu.