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Partie XI - Lutte contre la corruption

Décret-loi n°2022-14 du 20 mars 2022, relatif à la lutte contre la spéculation illégale

 

 

Traduction préliminaire non officielle faite par le Bureau de Tunis du Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité – Genève (DCAF).

Le DCAF décline toute responsabilité pour des erreurs de traduction, seule la version arabe fait foi.

La président de la République, 

Vu la Constitution

Vu le décret présidentiel n°2021-117 du 22 septembre 2021, relatif aux mesures exceptionnelles,

Après délibération du Conseil des ministres,

Prend le décret-loi dont la teneur suit :

Chapitre I – Dispositions générales

Article Premier – Le présent décret-loi vise à lutter contre la spéculation illégale afin d’assurer l’approvisionnement régulier du marché et sécuriser les circuits de distribution.

Art. 2 – Les dispositions du présent décret-loi s’appliquent à toute personne qui exerce des activités économiques à titre professionnel ou du fait de l’usage ou d’une façon occasionnelle, nonobstant les dispositions de la loi n°2015-36 du 15 septembre 2015 portant réorganisation de la concurrence et des prix.

Art. 3 – Est coupable d’infraction de spéculation illégale prévue au présent décret-loi et encourt les peines y afférentes quiconque : 

  • Entreprend de quelque manière que ce soit et par tout moyen, de manière directe ou indirecte ou par le biais d’intermédiaire ou des intermédiaires, des agissements relevant de la spéculation illégale ;
  • Diffuse sciemment de fausses nouvelles ou des informations erronées afin d’inciter le consommateur à s’abstenir à l’achat ou dans le dessein de provoquer une perturbation de l’approvisionnement du marché ou une hausse subite et non justifiée des prix ;
  • Présente des offres sur le marché afin de provoquer une perturbation de son approvisionnement dans le dessein d’augmenter les prix ;
  • Réalise des bénéfices illégaux en usant des situations exceptionnelles pour présenter des offres à des prix supérieurs aux prix habituels ;
  • Exerce des pratiques sur le marché dans le dessein de bénéficier d’un gain ne résultant pas, de façon naturelle, de l’offre et de la demande ;
  • Tenir des produits dans le dessein de les faire passer en contrebande à l’extérieur du pays.

Art. 4 – Au sens du présent décret-loi, on entend par : 

Spéculation illégale : tout stockage ou rétention de biens ou de marchandises, quelles qu’en soient la source et le mode de production, dont le but d’en provoquer une pénurie et une perturbation des approvisionnements au niveau du marché et que toute hausse ou baisse artificielle de leurs prix, de manière directe ou indirecte, ou par le biais d’intermédiaire, ou le recours à des moyens électroniques ou autres moyens frauduleux quelconques.

Pénurie : Manque en biens ou en marchandises destinés à répondre aux besoins du consommateur, causé par l’augmentation de la demande et l’insuffisance de l’offre.

Activité économique : Tout exercice d’une activité continue ou répétée de production, de circulation, de transformation, de spéculation, d’entremise, de courtage ou de prestation d’activités ou de services au profit d’autrui, contre ou sans rémunération. Il comprend également l’une des activités indiquées au précédent paragraphe, même s’elle a été exercée à titre occasionnel ou pour une seule fois.

Chapitre II – De la constatation et de la poursuite des infractions

Art. 5 – Les infractions prévues au présent décret-loi sont constatées par les officiers de police judiciaire suivants :

  • les agents des administrations qui ont reçu des lois spéciales le pouvoir de rechercher et de constater par des procès-verbaux certaines infractions, assermentés et habilités à cet effet,
  • les officiers de police judiciaire mentionnés aux n° 3 et 4 de l’Art. 10 du code de procédure pénale.
  • Les agents assermentés et habilités par le ministre chargé du commerce et appartenant au moins à la catégorie « A ».

Art. 6 – Les procès-verbaux dressés et signés par les agents mentionnés à l’Art. 5 du présent décret-loi sont transmis au procureur de la République auprès du tribunal territorialement compétent.

Art. 7 – Les agents chargés de la constatation des infractions prévus au présent décret-loi sont autorisés dans l’accomplissement de leurs missions à : 

  • pénétrer à tout moment, de jour ou de nuit, dans les locaux professionnels ou autres lieux de stockage. Ils peuvent également procéder à des opérations de contrôle en cours du transport des marchandises.
  • faire toutes les constatations nécessaires et se faire produire, sur première réquisition, les documents, pièces ou livres nécessaires à leurs recherches et constatations et en lever copies certifiées conformes à l’original,
  • saisir ce qui est nécessaire en documents visés au paragraphe précédent ou des copies de ces documents certifiées conformes à l’original, ceux qui sont nécessaires pour l’établissement de la preuve de l’infraction ou pour la recherche des co-auteurs ou des complices du prévenu un récépissé est délivré à cet effet,
  • procéder, dans les conditions légales, aux perquisitions ainsi qu’à la saisie des documents dans les locaux à usage d’habitation et après autorisation préalable du Procureur de la République. Les visites dans les locaux à usage d’habitation et la saisie des documents doivent s’effectuer conformément aux dispositions du code de procédure pénale.
  • consulter et obtenir, sans opposition du secret professionnel, tous les documents et informations auprès des administrations, des entreprises publiques, et ce, sans préjudice aux secrets et informations protégés par des lois spéciales.

Art. 8 – Les agents visés à l’Art. 5 du présent décret-loi peuvent, en cas de présomptions d’infractions prévues au présent décret-loi ou en cas de recherche de marchandises poursuivies à vue et introduites dans un local ou bâtiment, effectuer des visites et des perquisitions dans les locaux où les marchandises et les documents se rapportant à ces infractions sont susceptibles de s’y trouver, pour constater les contraventions commises et apporter les preuves de leur existence, et ce, conformément aux dispositions du code de procédure pénale.

Art. 9 – Les agents visés à l’article 5 du présent décret-loi peuvent saisir tous objets, marchandises et documents prouvant les infractions prévues au présent décret-loi ou laissant croire à sa perpétration. Lors de chaque visite d’un local, effectuée au sens du présent article, un procès-verbal est rédigé conformément aux dispositions du code de procédure pénale, reprenant le déroulement de l’opération, les constatations matérielles faites et la description détaillée des objets saisis.

Une copie de ce procès-verbal et de la liste des marchandises saisies est remise à l’occupant du local ou à son représentant contre récépissé.

Art. 10 –Les agents visés à l’article 5 de la présente loi, et après avoir décliné leur qualité, peuvent procéder à la saisie réelle des produits objet d’infraction aux dispositions de la présente loi.

A cet effet, un procès-verbal de saisie est établi comportant, obligatoirement, les mentions suivantes :

  • la date : heure, jour, mois et année,
  • les noms et la qualité des agents,
  • le lieu de la constatation,
  • l’identité et la qualité du détenteur de la marchandise et, le cas échéant, l’identité et la qualité de la personne présente lors de la constatation,
  • l’assise juridique,
  • l’identification du produit saisi : sa dénomination, sa quantité, sa marque, son emballage et, le cas échéant, son poids,
  • l’identité et la qualité du détenteur chez lequel sont consignés les produits saisis,
  • les signatures des agents et de la personne présente lors de la constatation et, le cas échéant, de personne chez laquelle sont consignés les produits saisis. En cas de refus de signature, mention en est faite dans le procès-verbal.

Le procès-verbal peut comporter toutes autres mentions que les agents verbalisateurs jugent utiles aux fins de l’enquête.

Les produits saisis laissés à la garde de leur détenteur ou, le cas échéant, dans tout autre lieu choisi par les agents verbalisateurs dans la mesure où ce dernier répond aux conditions requises pour la conservation du produit.

A cet effet, les agents verbalisateurs sont tenus de délivrer au prévenu un récépissé spécifiant la quantité et la nature des produits saisis.

Art. 11 – Le Procureur de la République doit demander au président du tribunal de première instance saisi de prononcer une ordonnance  portant confiscation civile du produit saisi, objet des infractions prévues au présent décret-loi, au profit de l’Etat.

Le président du tribunal statue sur la demande dans un délai de trois (03) jours à compter de la date de sa saisine, nonobstant l’action publique.

La décision de confiscation n’est susceptible d’aucun recours et la personne visée par la confiscation conserve son droit à réclamer à l’Etat la valeur du produit confisqué en cas de jugement irrévocable prononçant son acquittement en ce qui concerne les infractions objet des poursuites.

Le procureur de la République communique l’ordonnance de confiscation au ministère des Domaines de l’Etat et des Affaires foncières dans un délai de trois (03) jours à compter de la date de son prononcé pour exécution.

Art. 12 – Après autorisation du juge cantonal territorialement compétent, les agents visés à l’article 5 du présent décret-loi peuvent procéder à la destruction des produits saisis ou à leur dénaturation, lorsque celles-ci constituent le seul moyen de faire cesser le danger qu’ils font courir. Le détenteur doit être avisé de l’exécution de l’autorisation de destruction.

Un procès-verbal de destruction est établi et signé par les agents visés à l’alinéa premier du présent article, l’inculpé ou le détenteur son représentant lors de l’opération de destruction. Au cas où le procès-verbal est établi en l’absence du détenteur ou bien que présent, il refuse de le signer, mention en est faite sur le procès-verbal.

L’exécution de la destruction se fait conformément à la réglementation en vigueur, notamment celle relative à l’environnement, à la charge de l’inculpé.

Art. 13 – En vue de la recherche des infractions de spéculation illégale, les agents visés à l’Art. 5 du présent décret-loi peuvent procéder à la visite des marchandises, des moyens de transport et des personnes. Tout conducteur de moyen de transport doit se soumettre à leurs injonctions.

Ces derniers peuvent faire usage de tous engins appropriés pour immobiliser les moyens de transport lorsque les conducteurs n’obtempèrent pas à leurs injonctions.

Art. 14 – Les agents de la force publique sont tenus, en cas de nécessité, de prêter main forte aux agents visés au tiret 1 et 3 de l’art. 5 du présent décret-loi afin de garantir le bon accomplissement de leurs missions.

Art. 15 – L’autorité judiciaire en charge ordonne la saisie de l’argent généré directement ou indirectement par les infractions prévues au présent décret-loi. Le tribunal doit prononcer la confiscation de l’argent au profit de l’Etat conformément à l’article 11 dudit décret-loi.

Art. 16 – Tant que les biens immobiliers et mobiliers ne sont pas concernés par l’ordonnance de confiscation, l’autorité judiciaire en charge ordonne le gel, et ce, en cas de leur utilisation pour commettre ou faciliter la commission de l’infraction ou s’ils résultent directement ou indirectement des infractions prévues au présent décret-loi.

Chapitre III – Des sanctions

Art. 17 – Est puni de dix ans d’emprisonnement et de cent mille dinars d’amende quiconque aura commis un des actes incriminés, au sens du présent décret-loi, comme étant une spéculation illégale.

La peine est l’emprisonnement de vingt (20) ans et l’amende de deux cent mille (200.000) dinars lorsque la spéculation illégale a été opéré sur les produits subventionnés par le budget de l’Etat ou les médicaments et autres produits pharmaceutiques.

La peine est la réclusion criminelle à trente (30) ans et l’amende de cinq cent mille (500.000) dinars si les infractions mentionnées à l’article 3 du présent décret-loi, sont commises lors des situations exceptionnelles, l’apparition d’une crise sanitaire imprévue, la propagation d’une épidémie ou la survenance d’une catastrophe.

La peine est la réclusion criminelle à perpétuité et l’amende de cinq cent mille (500.000) dinars si les infractions prévues à l’article 3 du présent décret-loi ont été commis par une entente, une bande ou une organisation criminelle, ou lors de la tenue de produits dans le dessein de les faire passer en contrebande à l’extérieur du pays.

Art. 18 – Les complices des infractions prévues au présent décret-loi encourent la même peine que celle prévue pour les auteurs principaux de ces infractions.

Art.19 – Est exempté des peines encourues aux infractions prévues au présent décret-loi, hormis la confiscation des biens, quiconque prend l’initiative de communiquer aux autorités compétentes, des renseignements ou des informations permettant de dévoiler les infractions prévues par le présent décret-loi. 

Art.20 – Est considéré récidiviste quiconque commet une deuxième infraction dans le domaine de la spéculation illégale au sens du présent décret-loi dans l’année qui suit la date du jugement ou de l’exécution de la peine qui lui a été infligée pour la première infraction.

Lorsque la récidive a été établie, la peine ne peut être inférieure au double de la peine maximale encourue pour la deuxième infraction.

Art. 21 – La peine est portée au double de la peine maximale encourue pour l’infraction si les biens objet de l’infraction de spéculation illégale ne rentraient pas dans le cadre des activités habituelles de l’inculpé.

Art.22 – Lorsque la condamnation pour les infractions mentionnées au présent décret-loi a été établie, le tribunal prononce obligatoirement des peines complémentaires, notamment, l’interdiction d’exercer le commerce, la privation des droits civils et l’interdiction d’assumer des fonctions officielles de l’État.

Art.23 – Le tribunal ordonne obligatoirement la confiscation des biens ayant servi à commettre ou faciliter la commission de l’infraction ou s’il a été prouvé qu’ils résultent directement ou indirectement de l’infraction, même transférés à d’autres patrimoines, qu’ils demeurent en l’état ou convertis en d’autres biens, sans préjudice des droits de tiers acquis de bonne foi.

Si la saisie effective n’a pas été rendue possible, une amende valant confiscation est prononcée, sans qu’elle puisse être inférieure en tous les cas à la valeur des biens sur lesquels a porté l’infraction.

Art.24 – Le tribunal ordonne obligatoirement la confiscation de tout ou partie des biens meubles ou immeubles et avoirs financiers du condamné, s’il est établi que l’objectif de leur utilisation est la perpétration des infractions prévues au présent décret-loi.

La confiscation englobe les biens provenant des infractions mentionnées au présent décret-loi, même au cas où ces biens auront été transmis aux ascendants, descendants, collatéraux, conjoints et alliés du coupable, et qu’ils soient demeurés en leur état ou transformés en quelque autre bien que ce soit.

Ces personnes ne se libéreront de cette disposition qu’en rapportant la preuve que les fonds ou les biens précités n’ont pas pour provenance le produit de l’infraction.

Art.25 – L’extinction de l’action pénale résultant du décès ne fait pas obstacle au prononcé de la confiscation des biens mal acquis provenant des infractions prévues au présent décret-loi et leurs fruits au profit de l’Etat dans la limite de la part de la succession revenant aux héritiers.

Art.26 – Lorsque l’auteur des infractions prévues au présent décret-loi est une personne morale, les peines énoncées ci-dessus sont infligées personnellement et selon les cas aux présidents directeurs généraux, directeurs ou gérants et en général à toute personne ayant la qualité pour représenter la personne morale. Les complices sont punis des mêmes peines.

Art.27 – Toute personne morale aura recelé ou conservé des biens mal acquis provenant des infractions prévues au présent décret-loi et leurs fruits afin d’aider l’auteur de cette infraction, est puni d’une amende égale à la valeur des biens mal acquis objet de l’infraction, et encourt la peine de confiscation prévue au présent décret-loi.

La personne morale est également punie d’une des peines complémentaires suivantes :

  • l’interdiction de participer aux marchés publics durant au moins cinq ans, 
  • la publication, à sa charge, d’un extrait de la décision prononcée à l’encontre de la personne morale, dans l’un des journaux, 
  • sa dissolution et la confiscation totale de ses biens au profit de l’Etat.

Ceci ne fait pas obstacle à l’application de la peine d’emprisonnement prévue au présent décret-loi à l’égard des dirigeants des personnes morales si leur responsabilité personnelle est établie.

Art. 28 – Le présent décret-loi sera publié au Journal officiel de la République tunisienne et entre en vigueur à compter de la date de sa publication.

Tunis, le 20 mars 2022

 

 

 

 

 

 

Type du texte:Décret-loi
Numéro du texte:14
Date du texte:2022-03-20
Statut du texte:en vigueur
N° JORT:30
Date du JORT:2022-03-21

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